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3 avril 2011 7 03 /04 /avril /2011 03:09



Les cheminées sarrasines se situent exclusivement en Bresse, et plus précisément dans le secteur Bâgé-le-Chatel - Pont-de-Vaux - Cuisery - Saint-Triviers-sur-Courtes et Montrevel-en-Bresse.

Il faut rappeler que ce que nous appelons la Bresse, c'est en fait une partie du département de l'Ain et et de la Saône-et-Loire, qui elle même se divise en trois partie : la Bresse Chalonnaise près de Chalon-sur-Saône, la Bresse Louhannaise près de Louhans et la Bresse Mâconnaise, parce qu'elle se situe juste en face notre ville de Mâcon. Ce sera cette dernière qui sera le fruit de notre attention et que nous allons parcourir à la recherche de ces fameuses cheminées.

C'est également dans cette partie de la Bresse que se situait l'ancienne seigneurerie des sires de Bâgé, qui fut rattachée en 1272 à la Savoie, par le mariage de Sybille de Beaugé avec Aimé IV de Savoie. La Préceptorie de l'Aumusse, que nous vous avons présentée il y a quelques temps, se trouvait aussi sur les terres des sires de Bâgé.

La construction de telles cheminées serait antérieure au XIIIème siècle, dont les origines sont fort discutées aujourd'hui. Pourquoi ont-elles été construites uniquement sur le territoire de cette ancienne seigneurerie ? Personne ne peut raisonnablement répondre à cette question. Nous vous proposerons donc une série de thèses logiques formulées par d'éminents spécialistes.

C'est vers la fin du XVIIIème siècle que , de Secqueville, le comte de Montrevel et T. Riboud formulèrent la première hypothèse selon laquelle des restes des bandes barbares décimées en 732 à Poitiers par Charles Martel se réfugièrent et s'installèrent le long des berges de la Saône en apportant avec eux ce type de construction. Nous ne leur devons peut-être que le principe du foyer central, car il n'existe aucune cheminée sarrasine en Saône-et-Loire.

Gabriel Jeanton, précédemment cité, fit d'importants travaux sur le pays bressan et découvrit des archives concernant la trace de certaines populations balkaniques qui, après la chute de Constantinople en 1453, fuirent devant les troupes turques de Mahomet II et traversèrent le mâconnais. Peut-être apportèrent-elles ce type de cheminée... Mais cette thèse fut en partie détruite par une monographie de MM. Dard et Brun. Ils indiquèrent dans leurs travaux, qu'au cours de 1331 et 1478, date postérieure à la prise de Constantinople, une diminution du nombre d'habitants fut enregistrée alors qu'au contraire une augmentation de la population aurait du être constatée avec l'arrivée des nouveaux arrivants.

Lors d'une correspondance avec M. Robert Moninot, celui-ci nous confia son point de vue à propos de ces fameuses cheminées, dont voici un extrait :

"Avec tous les ouvrages que j'ai pu consulter relatant l'histoire et parallèlement l'évolution de l'architecture en Europe, j'ai constaté qu'une hypothèse pouvait être assez solidement émise : influence de l'architecture des pays nordiques utilisant le bois. Ceci pour la structure même de l'âtre chauffant au large et débouchant au faîte du toit par une énorme hotte trapézoïdale. Les mêmes cheminées existent en Suède et surtout en Norvège. Curieusement, on en retrouve des spécimens en Allemagne, en Suisse Hémonique et en Franche-Comté. On peut donc supposer que les invasions barbares du Vème et VIème siècle ont pu véhiculer le principe. Et je pense tout particulièrement au peuple Burgonde qui, parti d'une île de Suède, est venu s'implanter dans nos régions. En Allemagne, dans les vallées de la Simmen et de la Saal, elles sont dénommées "Bourguignonnes". Quant à la mitre qui la caractérise à l'extérieur si spécifiquement, on se perd en conjectures. Dans le Nord, il en existe de semblables en bois (planches assemblées et décorées), en Suisse et en Savoie. Mais on en trouve également dans les Balkans"

Selon une thèse particulièrement intéressante, admise par M. Jeanton, il s'agirait d'une intervention possible des moines-soldats dans la création de ces édifices. En effet, ceux-ci créèrent dès le XIIème siècle, de nombreuses maisons en Bresse et plus particulièrement à Bâgé. Quelles étaient les relations entre les sires de Bâgé et les moines ? Par quelle loi, quel privilège avait-on le droit d'avoir une telle cheminée, et pourquoi ? Autant de questions qui resteront encore sans réponses longtemps.

Plus récemment, Monsieur Desbat, architecte des bâtiments de France, explique que l'on disait souvent au siècle dernier, et dans toutes les régions de France "oh, ce sont des combines arabes", ou "des affaires sarrasines", pour dire "des affaires dont on ne sait pas d'où elles viennent", "des choses qu'on ne connaît pas".

Théorie, pour ma part, quelque peu simpliste.


LA CHEMINEE SARRASINE

Par appellation, une cheminée est dite sarrasine lorsqu'elle est constituée des deux éléments suivants :

1) une mitre décorative externe, située sur le toit de l'habitation.
2) un foyer centrale interne, associé à la mitre et situé dans la salle principale appelée "maison".

LA MITRE

Véritable petit clocher campagnard, son architecture insolite et variée ne paraît pas réellement "cadrer" avec la vraie personnalité de la ferme bressane. Son hauteur peut varier de 2 à 5 mètres, suivant le nombre d'étages et d'ouvertures servant à laisser passer la fumée.
coupe d'une cheminée
Constituée de briques et de torchis, puis recouverte d'un enduit, chaque mitre possède un style, une décoration particulière qui varie suivant le lieu et la date de construction. Par exemple, les plus anciennes, encore visibles, ont leurs imbrications (assemblages décoratifs qui encadrent les baies) saillantes à l'extérieur, alors que les plus récentes ont leurs imbrications moins prononcées et même non saillantes.
Chaque cheminée est possède une croix en fer forgé ou en brique, sauf une qui est surmontée d'un croissant perché au bout d'une longue tige de fer et qui n'a d'ailleurs aucune signification. Avec le temps, quelques croix ont disparu, ainsi que la cloche dont chaque mitre était pourvue et qui servait à prévenir les travailleurs dans les champs.

A l'heure actuelle, il n'existe plus que 4 types de mitres :
le type polygonal,
le type carré à pyramide,
le type carré avec lanterne terminale,
le type rectangulaire en reliquaire.
Type polygonal


Il ne reste plus que 16 mitres de ce type qui est le plus fréquent dans la partie sud de la Bresse. La mitre a subi des influences diverses, le socle de la base est carrée ou rectangulaire, puis on passe par une disposition sur trompe à une partie octogonale typiquement romane. Ensuite, un ou deux étages ajourés cylindriques viennent s'empiler sur cette partie polygonale.

L'ensemble est surmonté d'une partie conique avec coupole intérieure qui pour les plus anciennes présentent des ouvertures d'influences gothique. Une croix parachève toujours le monument.

Le Tiret : mitre du type polygonal
Le Tiret
Bourdon : mitre du type carré
Bourdon
Type carré à pyramide


Il reste 13 mitres de ce type qui est le plus fréquemment rencontré dans la partie nord de la Bresse. Notons cette fois la ressemblance avec le clocher roman de l'église Saint-Philibert de Tournus. Souvent de grandes dimensions, la base et les étages ajourés sont dans un même plan carré ou rectangulaire. Cet ensemble est surmonté d'un "chapeau" pyramidal ainsi que d'une croix, l'influence romane est indéniable. Dans certains cas, l'influence orientale réapparaît comme à Saint-Romain, les arêtes de la pyramide étant légèrement courbes.

Type carré avec lanterne terminale


Datant de la fin de l'ancien régime, les trois dernières mitres de ce type sont d'inspiration baroque correspondant au style rococo apparu dès la fin du XVIème et au début du XVIIème siècle. La mitre est du type carré à pyramide avec en plus une lanterne terminale ajourée. Parfois le dôme du toit de la mitre est encadré par 4 pinacles.

Le Sougey : mitre du type carré avec lanterne terminale
Le Sougey
Le Mont à Chevroux : type rectangulaire en reliquaire
Le Mont à Chevroux
Type rectangulaire en forme de reliquaire


La cheminée de Mont, à Chevroux, est une des dernière, elle est rectangulaire, en forme de reliquaire gothique et possède une série de baies très stylisées. Une crête de briques taillées couronne le sommet du toit.

 

LE FOYER CENTRAL

De la mitre située sur le toit, un vaste manteau pyramidal descend jusqu'au ras du plafond de la salle principale. Sa surface à la base est souvent un carré qui a de 3 à 5 mètres de côté. Il repose à la fois sur le mur de refend et sur la poutre-maîtresse qui partage la maison en deux.
Parfois, des piliers verticaux de soutien ont été ajoutés, ils sont ornés de décorations diverses : croix, coeurs, etc... Des petites cavités y ont été parfois aménagées afin de recevoir des statuettes.

Contrairement aux mitres, le manteau est toujours identique. Il est constitué d'une charpente en bois dont le "remplissage" est fait de briques enduites et de torchis. Deux chevrons traversent ce manteau à mi-hauteur et en supportent un 3ème auquel est fixé la crémaillère à anneaux appelée encore "comacle", soit directement, soit par l'intermédiaire d'une potence mobile réglable du nom de "rafle" ou "âne". Ainsi, le foyer se trouve au centre du manteau et les paysans pouvaient circuler autour du feu d'où son appellation de foyer central ou "foyer qui chauffe large".
Bebey, pilier droit
Bebey : pilier droit
La cheminée sarrasine possède également une plaque en fonte appelée suivant les régions "taque", "platine" ou "foyère", qui, au lieu d'être verticale contre le mur est à plat au centre du foyer.

L'"archebanc" ou "banc des ancêtres" est le meuble le plus intéressant et le plus vénérable de la maison. C'est un grand banc à haut dossier pourvu d'un coffre. Quelquefois, il était équipé d'un petit coffre à chaque extrémité, l'un pour le sel et l'autre pour le tabac. Cet archebanc est le 3ème élément indissociable de la cheminée sarrasine.

Le jour de la mise en place de l'archebanc contre le mur de refend et de sa bénédiction, était l'occasion d'une grande fête pour la ferme. Généralement orné de décorations diverses, la date de l'édification de la cheminée y était souvent gravée, ainsi que sur les murs. Seuls les parents et les grands-parents étaient habilités à s'y asseoir, bien que certains hôtes y étaient conviés en signe de reconnaissance, et toutes les affaires importantes traitées sur l'archebanc étaient équivalentes à un serment sur la Bible, donc toujours réalisées.

 


 

BIBLIOGRAPHIE
Ghislaine DULIER
Gabriel JEANTON
Gabriel JEANTON
Gabriel JEANTON
C. BRUN
Ch. DARD
P. BASSET
M. de GACON
V.A. MALTE BRUN
Ardouin DUMAZET
: Les cheminées sarrasines. Editions la Taillanderie. 1990.
: Les cheminées sarrasines.
: Les prétendus sarrasins des bords de la Saône.
: L'habitation paysanne en Bresse. 1924.
: Les prétendus sarrasins d'Uchizy et de la Bresse. 1934.
: Uchizy monographie. 1925-1926.
: Les cheminées sarrasines de la Bresse.
: Histoire de la Bresse et du Bugey. 1825.
: La France illustrée. 1881.
: Voyage en France. 1909.

 

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